Collection Christian RIZZO
L’Abadie
L ’Abadie est un quartier de La Bocca où se situait un vaste domaine appartenant aux Abbés de Lérins, d’où son nom dérivé des mots « abiado » ou « abbaye ». Comme l’attestent des documents datés de mars 1570, la ressource principale du quartier — dans la plaine de Laval — était la culture du riz et du chanvre sur les rives de la Siagne.
Une dame de l’Association des Vieilles Familles Boccassiennes me confia un jour qu’elle avait été étonnée en entendant à la radio que l’une des zones françaises de culture du riz se trouvait à Cannes. C’est exact : la plaine de Laval, grâce à ses marécages, fut autrefois une véritable rizière, causant de graves nuisances aux villages environnants. L’étang de la Roubine et la Siagne mal entretenus provoquaient des stagnations d’eau aux conséquences sanitaires désastreuses.
Dans les doléances destinées aux États Généraux de 1789, on peut lire : « Que le gouvernement daigne avoir en considération que le présent lieu est situé dans un pays malsain, que les eaux stagnantes occasionnent toutes les années des maladies qui répandent la douleur et la mort… » et les signataires demandent que la Siagne soit déviée vers l’étang pour assainir les lieux.
D’importants travaux de canalisations et d’endiguements furent entrepris pour combler ces terrains marécageux, qui devinrent alors cultivables — notamment pour les fleurs et les légumes. Cela n’empêcha pas les gros orages de causer régulièrement des inondations, dont celle de 1882, particulièrement catastrophique.
Les archives du monastère de Lérins désignent la zone dès 1737 sous le nom de « terre de L’Abadie », située au quartier du Plan. Le domaine comprenait l’aire de Faïsse Longue, les terres du Prèneuf, de l’Isle, du Bousquet, de Ranguin, de Saint-Jean et du Pradou.
Les propriétés de l’abbaye s’étendaient jusqu’au Collet des Puits, vers l’actuelle bifurcation du chemin des Gourguettes et de l’avenue Maurice Chevalier. Après l’assèchement, on y trouvait une demeure de style roman entourée de vastes terrains cultivés, longeant le chemin de La Roquette et la route de Grasse à Pégomas.
Le domaine comprenait également des logements pour les ouvriers, des étables, une laiterie, des ateliers, des entrepôts, un four, et quatre moulins dits « banaux », alimentés par un canal dérivé de la Siagne. En 1739, les fermes abritaient 17 bœufs, 3 vaches, 2 juments, un cheval, ainsi que du matériel agricole : 2 charrettes, 5 charrues et divers outils.
Le canal du Béal, dont le nom provençal désigne un canal alimentant la roue d’un moulin, traversait la propriété avant de se déverser dans la mer à l’ouest de l’actuel site Thales.
— Christian RIZZO